Elle doit rembourser l’intégralité des soins qu’elle a facturés pour sa collègue ! Une semaine infirmière au TASS.

Le temps passe lentement au Tribunal des Affaires de Sécurité sociale (TASS). Ce matin-là J, infirmière libérale dans la une petite ville, est convoquée à 9 heures pour apprendre une heure plus tard, après l’appel de la soixantaine de dossiers de la matinée, qu’elle ne passera que trois à quatre heures plus tard. Mais J commence à avoir l’habitude d’attendre puisque cela fait bientôt trois ans que cette affaire rebondit d’instances en instances, avec toujours la menace de devoir payer plus de 100 000 euros à la CPAM. Alors elle attend, pendant trois heures, dans les couloirs surchauffés par les grandes baies vitrées du TGI de la grande ville, juste accompagnée de son compagnon qui ne comprend pas non plus pourquoi on les traite comme ça…

 

Elle doit rembourser l’intégralité des soins facturés pour sa collègue infirmière!

La CPAM a différents griefs contre J et l’un des plus importants est la facturation de soins pour sa collègue. J a pourtant reconnu son erreur immédiatement : pendant quelque temps, le temps que sa nouvelle collaboratrice récupère sa CPS et s’habitue aux règles de cotation, J a coté tous les soins du cabinet avec sa propre carte CPS. Même si elle savait qu’elle ne respectait exactement les règles qui disent que chacun doit facturer ses soins, elle ne voyait pas le problème puisque les soins ont été faits, et que, qu’elle les réalise ou que ce soit sa collègue, le montant aurait été strictement identique. C’est bien sur l’argumentation de son avocat, qui prend finalement la parole un peu avant treize heures devant une cour qui siège déjà depuis plus de trois heures non-stop. Face à lui, l’argumentation de la CPAM est implacable (NDLR : tous les propos cités sont extraits du « mémoire récapitulatif et responsif » de la CPAM dans cette affaire, le texte qui résume les accusations et leurs motivations) :

« Le conseil de Madame J, affirme par ailleurs qu’aucun préjudice ne peut être légitimement invoqué par CPAM puisque l’intégralité des actes facturés par Madame J aurait de toute façon dû être facturée à la CPAM par madame *** (NDLR la collègue de J). Cependant le conseil de Madame J évoque la notion de préjudice qui renvoie à un fondement lié à la mise en jeu de la responsabilité civile de l’intéressée, or, en l’espèce, le fondement de la demande de la CPAM est la notion d’indu qui est défini par « ce qui n’est pas dû ». La caisse primaire n’a donc pas à apporter la preuve d’un quelconque préjudice mais doit apporter la preuve qu’elle a procédé à des remboursements qui n’étaient pas dus ».

Quant à savoir comment la caisse a pu reconstituer la répartition des rôles de chacun, on apprend qu’elle s’est basée sur l’agenda fournit par J elle-même lors d’une audition. En partant de cet agenda et en le croisant avec les facturations réalisées, la CPAM a pu voir qui travaillait et qui facturait les jours incriminés.

 

La préparation de pilulier, la pose de bas de contention ainsi que l’instillation d’un collyre doivent être inclus dans la séance de soins infirmiers cotée AIS 3 !

Autre grief entre la CPAM et J, la facturation de pilulier et de pose de bas de contention. Ce grief est tout à fait classique dans ce genre de procès mais ce qui l’est moins c’est l’argumentation de la caisse :

« En l’espèce Madame J a facturé des préparations de piluliers, des poses de bas de contention et l’instillation de collyre sous la cotation AMI 1, AMI 4, AIS 3 ou AIS 4 alors que ces actes ne sont pas visés par la NGAP. Ils ne peuvent donc être facturés que quelque manière que ce soit.

L’acte de préparation du pilulier, la pose de bas de contention ainsi que l’instillation d’un collyre doivent être inclus dans la séance de soins infirmiers cotée AIS 3 qui « comprend l’ensemble des actions de soins liées aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d’autonomie de la personne ». Si aucune séance de soins infirmiers n’a été prescrite et/ou effectuée, l’infirmier ne peut tout simplement pas facturer ces actes à la caisse primaire. »

 

Ce n’est pas un pansement lourd et complexe puisque l’infirmière n’a rien prescrit !

Enfin, La CPAM a étudié cas par cas les cotations le J et les réévaluées. En particulier, pour un patient, J a coté « AMI 4 » son pansement car elle le considérait comme « lourd et complexe » mais la caisse dénonce cette cotation avec les arguments suivants :

« Il apparaît que Madame J a facturé la pose de pansements lourds et complexes pour la cotation AMI 4 à l’assurée ****** alors qu’aucun pansement n’a été délivré sur la période de soins concernée pour l’assurée.

Madame Z (NDLR : la nouvelle collaboratrice de J) a déclaré que des pansements non utilisés sont récupérés chez d’autres patients et qu’ils sont utilisés pour les soins de madame *****, explicitant ces pratiques par une absence de prescription par le médecin de pansements.

Cependant, les infirmières diplômées d’état ont elles-mêmes la compétence pour prescrire des pansements à leurs patients et Madame J a bien prescrit des pansements comme elle en a la compétence, pour un certain nombre de ses patients. Donc il apparaît invraisemblable que dans le cas d’espèce, elle n’ait pas procédé à une telle prescription s’il y en avait eu la nécessité médicale. »

Les plaidoiries de l’avocat de J et de la juriste représentant la caisse ont duré 20 minutes chacune, un temps long et court pendant lequel J, très pâle, avancée au premier rang à côté de son avocat, se tamponnait le visage avec son foulard. Et puis ça se termine, chacun range ses dossiers et on apprend que le jugement sera rendu courant novembre. Après un bref retour avec son avocat devant la salle, J est alors repartie dans la grande ville soutenue par son compagnon, en attendant la prochaine étape.

A la semaine Prochaine !

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