– Depuis cette situation, 2 d’entre nous avons continué d’y aller pendant nos jours de boulot.
– Une d’entre nous se déplaçait sur ses repos afin d’assurer la continuité des soins les jours ou l’infirmière non – gratta travaillait. ( ne peux plus le faire car, besoin de vrai repos et de vacances).
– L’infirmière remerciée refuse catégoriquement d’y retourner.
Je précise qu’à la base, nous étions toutes les trois d’accord pour cesser cette prise en charge, mais que la fille a sorti un tas de bluff et s’est montrée procédurière, et malheureusement, Elle a réussi à déstabiliser la cohésion du groupe, c’est pour cela qu’on a continué la prise en charge.
Merci pour vos avis éclairés! »
C’est avec cette question trouvée sur un site internet infirmier que nous entamons notre « été des experts » : pendant que l’actualité des infirmiers va passer en veille pendant l’été (du moins on l’espère…) nous allons revenir sur quelques situations classiques de l’exercice libéral pour vous proposer nos solutions.
Laisser le patient choisir son infirmière est une erreur
Évidemment quand on débute on se dit que « plus on va être sympa, plus les patients le seront » c’est une règle malheureusement totalement fausse; au contraire plus vous cédez au patient plus vous décrédibilisez. Ici par exemple, laisser le patient choisir son idel :
-Décrédibilise le travail que vous faites, puisqu’on peut vous remplacer par une aide ménagère, or « une séance de soins infirmiers » n’est pas un toilettage sinon vous ne devez pas coter un soin… Et si vous n’avez pas besoin de passer tous les jours vous pouvez coter simplement une séance de surveillance par semaine.
– Décrédibilise votre collègue : En acceptant cette injonction, celle qui reste reconnait indirectement que sa collègue a fait une faute et est dangereuse. Or, soit celle qui gère le cabinet est convaincue de la faute et elle doit alors se séparer de sa collègue ( ça arrive malheureusement) soit elle doit absolument défendre sa collègue et toute autre position intermédiaire est intenable (la preuve). D’ailleurs, l’infirmière a qui on demande de ne plus passer chez la patiente ferait bien de rencontrer rapidement la responsable du cabinet pour parler avec elle et envisager au plus vite une solution (y compris un départ…) car travailler avec quelqu’un qui n’a pas confiance en vous, qui vous démonte (même de façon passive) auprès d’un patient est plus que dangereux : vous ne pouvez pas lui faire confiance en retour donc le travail en équipe est impossible. Tôt ou tard un autre problème plus grave se posera avec des conséquences plus graves et il sera trop tard. Donc il est temps de relire attentivement le contrat qui vous lie et qui doit régler ce genre de litige… si vous avez pris le temps de bien le rédiger.
Avoir peur des patients procédurier est une erreur.
Bien sûr personne n’a envie de côtoyer un avocat ni d’envoyer des courriers etc… Mais céder immédiatement à la moindre menace c’est reconnaitre que vous êtes en tort et donc, paradoxalement, confirmer le patient dans le bien fondé de ses menaces et il va donc continuer de plus belle! Donc avoir peur d’un patient procédurier est inutile, soyez toujours en règle, remplissez un dossier de soin correct (y compris en gardant une partie au cabinet pour certaines transmissions sensibles), vérifiez que vous avez une assurance juridique et rapprochez vous d’un syndicat pour vous aider dans vos démarches, mais ne vous laissez jamais impressionner par des menaces, ne pas être tous les jours le “soignant idéal de rêve qui reste 24 heures auprés d’une seule patiente et qui comprend tout sans qu’on lui dise” n’est pas un délit, la diffamation oui.
Se laisser insulter est une erreur.
Bien sur on a tous des “coups de sang” un jour, les soins ne sont jamais une situation neutre émotionnellement et on peut toujours perdre ses moyens (et ça arrive même parfois aux soignants…). Mais se laisser insulter sans revenir dessus est strictement impossible (comme se faire tripoter d’ailleurs…) donc une fois un « délai raisonnable de décompression » passé la responsable du cabinet doit systématiquement reprendre cette situation avec la personne agressive et celle-ci doit être capable de reconnaitre que son comportement a dépassé les bornes acceptables… Sinon le soin est impossible.
Arrêter un soin est toujours possible
Un patient peut arrêter un soin quand il le veut mais les soignants sont tenus à la continuité des soins, cependant arrêter un soin est toujours possible. Classiquement on dit qu’on doit remettre une lettre au patient (le mieux est en mains propres, inutile de se cacher) lui indiquant une date d’arrêt des soins avec un délai raisonnable (trois semaines en général) et une liste de vos collègues susceptibles de vous remplacer. Vous devez aussi prévenir le médecin traitant du patient par courrier en lui indiquant la date et les raisons de votre arrêt de soins. Par expérience, dans les faits, une fois qu’il a reçu sa lettre le patient vous demande en général de ne pas revenir… Et vous épargne une période un peu « tendue », sinon vous faites les soins jusqu’à la date prévue.
Avertir un maximum de personnes de votre démarche permet aussi de vous protéger d’une accusation « d’abandon de soins » qui, pour le coup, serait une vraie faute. Et quitter un patient en hurlant et en claquant la porte (oui, oui ça s’est vu…) est bien sûr strictement impossible .
Aller plus loin
L’attitude de la fille de cette patiente qui agresse des soignants, perd son self contrôle et qui est manifestement dans une recherche de la culpabilité quant à l’état de santé de sa mère doit aussi interroger les soignants. Chercher une raison à la dégradation de l’état de santé d’un proche que l’on assiste tous les jours est très humain, assister à la lente dégradation d’un de ses proches est très dur et renvoie souvent à des questions personnelles y compris à une certaine culpabilité, notamment celle de se demander si on a fait “assez” pour son proche et si la dégradation de son état n’est pas au fond« de votre faute ». Dans ce cas, trouver n’importe quel prétexte pour accuser le médecin, les infirmières, le chat ou les voisins (et se détourner cette culpabilité…) est aussi assez classique et humain. Cependant c’est aussi le signe d’une souffrance que des soignants ne peuvent ignorer.
D’autre part si la personne en charge d’un de vos patients n’arrive pas à se contenir en face des soignants, il est tout de même légitime de se poser quelques questions sur son attitude quand elle est seule avec son proche malade, situation qui demande beaucoup de patience et de self control. Il ne s’agit donc pas de tirer des conclusions hâtives mais pour le moins cette situation doit vous pousser à vous interroger sur le risque de maltraitance (oui disons les mots !) et sur la capacité de cette personne à s’occuper correctement de son proche. Vous devez donc en parler en équipe (quand 3 infirmiers qui ne travaillent pas ensemble arrivent aux même conclusions, un doute est tout de même permis…) puis parler ouvertement de votre questionnement avec le médecin traitant. Il ne s’agit evidemment pas de crier au loup, ni de faire des fausses accusations mais cette question doit se poser pour tous les soignants à domicile.
En effet, s’occuper d’un patient dans l’intégralité de son environnement « bio/psycho /social » et donc veiller à son bien être et à sa sécurité y compris en dehors de vos horaires de soins est le propre d’une séance de soins infirmier. C’est aussi exactement ce qui le différencie d’un toilettage par une femme de ménage… qu’on se le dise !
A la semaine prochaine!
Note : Finalement Phillipe tisserand (FNI) a réagi à la lettre de la ministre Marisol Tourraine sur les IK de Savoie dont nous parlions la semaine dernière..
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