La cps remplaçant : Une bonne nouvelle… mais pour qui ?

Dans les semaines à venir la Carte Professionnel de Santé (CPS) va se mettre en place pour les infirmiers remplaçants. C'est une bonne nouvelle pour les infirmiers libéraux qui vont se faire rembourser leurs soins plus rapidement lorsqu'ils sont remplacés. Mais cette nouvelle technologie va aussi ouvrir la voie à un nouveau type de contentieux.

La CPS remplaçant : une bonne nouvelle pour les infirmiers libéraux
Jusque-là le seul moyen légal pour les infirmiers libéraux de facturer leurs soins faits par des remplaçants était de passer par la facturation papier (ndlr : Plusieurs caisses départementales ont eu des 'tolérances' pour les facturations en mode dégradé pour les remplaçants mais ces tolérances n'ont aucune valeur légale). Le principal problème était alors que ce mode de facturation demandait en général 2 à 3 semaines avant d'être remboursé, or les remplaçants demandent souvent à être payés immédiatement et le professionnel de santé titulaire se retrouvait à faire l'avance des frais. Grâce à la carte CPS remplaçants les modes de facturation "dégradé" et/ou "sécurisé" seront donc accessibles pour les soins effectués par un remplaçant avec à la clef un remboursement dans les 3 à 5 jours ouvrés.

Mais une bonne nouvelle aussi pour la cpam.
Tout d'abord -et ce n'est pas le moindre des paradoxes- cela met la cpam en accord avec l'avenant 4 de la convention du 26 mars 2014 qui oblige les infirmiers à télétransmetre toutes leurs feuilles de soins sous peine de sanction.
Ensuite, même si la numérisation des feuilles de soins ne va pas donner de nouvelle information aux caisses de sécurité sociale, elles vont les rendre beaucoup plus accessibles (les feuilles papier étant bien plus complexes à suivre que des fichiers électroniques…). Cela va donc permettre aux caisses de sécurité sociale de recenser précisément les remplaçants et de suivre leur activité, elle pourront ainsi maîtriser le nombre de remplaçants autorisés sur un territoires (par exemple sur des zones sur dotés) mais aussi de repérer les remplaçants.. qui n'en sont pas. D'ailleurs c'est avec cette optique que l'on comprend pourquoi le payement au titulaire (et non directement au remplaçant) a été maintenu : les caisses sauront en temps réel qui remplace qui, à quelle fréquence et combien de temps.

Les "faux" remplacants.
Or, certains infirmiers libéraux confondent encore remplaçants et collaborateurs bien que la différence soit assez nette comme l'indique ce document de la FNI  : un remplaçant intervient pour une durée précise, justifiée par une raison précise (par exemple 3 semaines pour remplacer pendant les vacances). Quelqu'un qui intervient régulièrement dans un cabinet sans durée précise et sans motif précis (qui fait "tous les mercredis" par exemple)  ne peut donc pas être un remplaçant mais bien un collaborateur ou un associé.

Vers une nouvelle voie de contentieux.
Sans paranoia excessive mais en étant lucide sur la profession et ses relations actuelles avec les caisses de sécurité sociale, on peut donc facilement prédire que la carte CPS remplaçants dessine au moins deux types de contentieux dans les années à venir :

-Contentieux de zonage : Dans les zones sur dotées où les professionnels ne peuvent pas prendre une collaboratrice puisque les installations sont gelées, laissera-t-on longtemps un infirmier avoir "une remplaçante qui fait tous les mercredis" ?

– Charger la barque : Il semble évidemment peu probable que les caisses de sécurité sociale vérifient un par un tous les contrats de remplacement "au hasard". Mais lorsqu'un contentieux s'installe il est d'usage que les caisses fasse "feu de tout bois" contre l'infirmier (le ba ba de tout contentieux est de "charger" au maximum le professionnel de santé pour montrer au jury a quel point c'est une personne douteuse et peu respectueuse des règles… un fraudeur donc). Si la remplaçante habituelle d'un cabinet n'a pas de contrat ou si son activité déborde de sa fonction première (si elle fait tous les mercredi au même endroit par exemple) ce sera alors évidemment retenu contre le professionnel de santé pour détournement de la loi.
Pour preuve, dans un contentieux récent le service administratif d'un cpam a accusé de "salariat déguisé" une libérale qui, lors des coups durs de la tournée, faisait travailler pour elle une des ses amies infirmière en retraite. Les faits n'ont finalement pas été retenus contre l'infirmière mais ils ont eu leur effet sur les juges et décrédibilisent la défense de l'infirmière.

Agir tant qu'il est temps
 La mise en place de la cps remplacant est donc une bonne chose pour les libéraux à condition de bien revoir les rôles de chacun et de signer avec chaque membre du cabinet un contrat respectant le droit (contrat de remplacement ou contrat de collaboration suivant le cas).

Bien connaître le droit c'est pouvoir l'utiliser pour se protéger, n'hésitez donc pas à demander conseil à des professionnels.