D’abord bien voir les sommes en jeu
Un soin coté en nuit à 7 heures, tous les jours de l’année cela représente tout de même 9.15* 365 = 3 340 euros par an ! Oui bien sûr c’est du brut, oui on divise par deux mais on comprend aussi que les caisses regardent la justification et demandent à le justifier, en particulier pour les soins chroniques (par exemple pour les diabétiques), la cotation “soin de nuit” n’etant évidemment pas là pour compenser le faible montant des ami 1, qui est un autre débat.
Comprendre le risque que l’on prend
Quand on cote, la question n’est pas de savoir si le tarif vous semble « juste » moralement, ou si vous le « méritez bien après tout, vu tout ce qu’on perd par ailleurs… »… Mais la seule question à se poser est : « Si demain je suis un médecin-conseil de la caisse et/ ou un juge, est-ce que je suis sûr de pouvoir défendre bec et ongles la nécessité médicale et absolue de cette cotation-là précisément ? (sachant que tous les soins gratuits que vous faites ailleurs n‘intéresserons personne ce jour-là et qu’entre-temps, le médecin qui vous aura signé les cotations de « soin de nuit » – sauf cas vraiment exceptionnel — vous aura probablement lâché en rase campagne).
Un autre argument classique est de dire « que la caisse ne va pas me chercher des poils sur les œufs pour des questions de trois soins de nuit… » Et non, effectivement, probablement pas. Mais si un jour vous êtes en conflit avec une caisse (pour des AIS, pour des IHK etc.) c’est le genre de choses qu’ils aiment à ressortir. Avec trois diabétiques en soins de nuit, cela vous fait un indu de plus de 9 000 euros par an, autant dire que votre ligne de défense est atomisée et cela peut être la goutte qui fait déborder le vase : pour le juge vous êtes une fraudeuse.
Ne pas confondre arrangement et nécessité
La question à se poser est donc d’abord de la raison pour laquelle vous passez voir un patient avant huit heures ou après vingt heures :
– Si c’est pour une raison médicale indubitable (notamment trois soins par jour ou des horaires vraiment ésotériques pour des perfusions ou des injections de stimulation ovarienne par exemple…) (Et qui ne se joue pas sur 10 minutes comme les fameux deux anticoagulants séparés de 12 heures, qui seront particulierement dûrs à défendre devant des caisses capables de revenir sur le calcul des IHK…) : vous devez coter des soins de nuit sans hésiter.
– Si c’est une demande du patient parce qu’il va travailler ou tout simplement parce que ça l’arrange: vous pouvez tout à fait lui facturer le dépassement soin de nuit et lui précisant bien qu’il ne sera pas remboursé car c’est une convenance personnelle. Neuf fois sur dix, il va vous dire alors que « on va s’arranger » parce que quand on les sort de sa poche, 9 euros par jour, ce n’est pas “rien”…
– Si c’est une question propre à votre tournée parce que vous passez à cet endroit-là uniquement à cet horaire-là par exemple… Inutile de se cacher derrière une prescription qui ne sera pas crédible et démentie immédiatement par les médecins-conseils : vous ne pouvez pas coter des soins de nuit !
En conclusion, les cotations de soins de nuit sont là pour dédommager des horaires de soins ésotériques mais certainement pas pour compenser le bas prix de l’ami 1 ou la somme colossale de soins gratuits que font les infirmiers le reste de la journée… Il y a tellement d’autres combats à engager, est-ce la peine de mener celui-ci, dangereux et probablement perdu d’avance ?