Dans un contexte de tension sur le système de santé et de redéfinition des rôles des professionnels de santé, le Conseil National Professionnel Infirmier (CNPI) vient de publier un document stratégique destiné à guider l’évolution de la profession. Fruit d’un travail collectif avec les différentes composantes de la filière infirmière, ce rapport émet une série de propositions fortes pour repositionner les infirmiers — et en particulier les infirmiers libéraux (IDEL) — comme piliers des soins de premier recours et de la coordination des parcours de santé.
Vers une refonte du décret de compétences et une autonomie renforcée
L’un des piliers du document repose sur la refonte du décret de compétences infirmières, actuellement obsolète puisqu’il date de 2004. Le CNPI appelle à une mise à jour qui reflète l’évolution des pratiques et l’élargissement des missions sur le terrain. Cette révision viserait à :
- Clarifier les actes relevant de l’autonomie infirmière,
- Étendre les champs de prescription (matériel, pansements, dispositifs médicaux…),
- Reconnaître le rôle des infirmiers dans la prévention, l’éducation thérapeutique et la surveillance des pathologies chroniques.
Pour les IDEL, cela représenterait une reconnaissance officielle de leurs compétences réelles, déjà mises en œuvre au quotidien, mais encore peu valorisées dans les textes réglementaires actuels. Cette évolution permettrait également une meilleure adaptation aux besoins des patients à domicile, notamment dans les zones sous-dotées en médecins.
Une place centrale dans les parcours de soins et l’organisation territoriale
Autre point clé des recommandations : la redéfinition du rôle des infirmiers dans l’organisation des soins à l’échelle des territoires. Le CNPI propose que les infirmiers deviennent des référents de parcours de soins, notamment pour les patients atteints de maladies chroniques ou en situation de fragilité. À ce titre, ils pourraient bénéficier d’un statut spécifique dans les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) et autres dispositifs de coordination pluriprofessionnelle.
Cette reconnaissance du rôle de coordination rejoint les pratiques déjà bien ancrées chez les IDEL, qui assurent une continuité des soins, identifient les besoins, alertent et orientent les patients vers les autres professionnels de santé. Le CNPI milite aussi pour une meilleure rémunération de cette fonction d’interface, encore trop souvent réalisée bénévolement ou sans contrepartie.
Formation, attractivité et reconnaissance : un chantier global
Le rapport du CNPI ne s’arrête pas aux seuls aspects réglementaires. Il s’attaque également à la question cruciale de l’attractivité de la profession. Le manque de reconnaissance, l’épuisement professionnel, la complexité des démarches administratives et le sentiment d’isolement sont autant de freins à l’installation libérale. Le CNPI propose donc une réflexion sur :
- L’accès à une formation continue adaptée, avec des modules spécifiques pour l’exercice libéral,
- La simplification des démarches d’installation,
- Une revalorisation des rémunérations, y compris pour les actes de coordination et de prévention.
En conclusion, ce document constitue une base de travail solide pour faire évoluer la profession infirmière dans son ensemble. Pour les IDEL, il ouvre des perspectives concrètes vers un exercice plus autonome, mieux reconnu, et davantage intégré dans les stratégies de santé publique. Reste maintenant à savoir si les pouvoirs publics s’en saisiront pour engager les réformes nécessaires.