Vie pro et vie perso, comment les marier ?

Pour un.e infirmier.e, exercer en libéral est très prenant en terme d’amplitude horaire et d’énergie… Ce mois-ci INFLIB est allé à la rencontre d’Aurélie et d’Amandine, à la fois infirmières et mamans : la mission ne se révèle pas impossible… mais possible, à certaines conditions !

 

Inflib :

– Pour chacune de vous, comment le quotidien est-il organisé ?

 

Amandine :

– Pour ma part, j’ai alternativement la garde de ma fille avec son papa. Quand je me suis installée, j’ai imposé à tout le monde la seule manière possible pour moi de travailler : sept jours d’affilée sur le terrain, à fond, sans compter mes heures, alternés à sept jours au bureau pour faire de l’administratif tout en étant disponible pour ma fille. Pour résumer, il y a les semaines ON et les semaines OFF ! La semaine OFF est finalement vite remplie : se rendre aux rendez-vous médicaux, faire tourner la maison, remplir le frigo… Heureusement j’essaie de me caler des moments plaisir, comme un déjeuner avec une amie ou une séance de cinéma…

 

Aurélie :

– Avec mon conjoint qui est infirmier libéral également, nous avons aussi une organisation bien rôdée. Nous avons fait le choix de ne pas travailler ensemble, car sinon nous n’aurions fait que nous croiser. On travaille donc chacun avec un binôme, une semaine sur deux, mais sur les mêmes semaines. Nous faisons chacun des soins différents. Mon mari est davantage sur des soins techniques qui nécessitent de faire plus de kilomètres, d’avoir une grande amplitude horaire et parfois d’assurer des gardes de nuit. Quant à moi, j’ai une clientèle constituée de patients chroniques, nécessitant des soins que je peux planifier plus aisément durant la journée, ce qui amène un peu plus de souplesse au quotidien.

 

Inflib :

– Comment vivez-vous cette organisation ?

 

Amandine :

–  Le rythme est extrêmement fatigant, mais je sais pourquoi je le fais. Quand ma fille est chez moi, elle me voit tout le temps : je suis là dès la sortie de l’école et toujours disponible en cas de maladie, de grève… Les rares fois où je m’absente, cela lui fait tout drôle ! Quand il y a des petits imprévus durant ma semaine de garde, ma famille étant loin, je me débrouille toute seule. Il m’arrive d’amener ma fille au bureau, mais pour allier contrainte et plaisir, nous n’oublions pas de nous faire un petit restau ! Une fois, son papa a eu un retard de vol au retour de vacances et j’ai dû reprendre le travail avec elle. Nous avons fait une tournée ensemble (pour le plus grand bonheur des patients !) et elle s’est rendu compte de ce qu’était mon travail. Bien sûr parfois j’ai l’impression de m’oublier un peu dans cette organisation, car je n’ai pas beaucoup de temps pour moi.  Ceci dit, avoir des enfants est une chance : heureusement que ma petite fille est là pour m’obliger à freiner et à construire une vie personnelle et sociale équilibrée.

 

Aurélie :

– Notre semaine de repos est vraiment top ! Notre enfant étant au collège, nous avons beaucoup de temps pour nous. Avec mon mari nous consacrons le début de la semaine aux papiers, au ménage et aux courses, pour ensuite être tranquilles… Grasses matinées, restaurants à midi, promenades, petits travaux dans la maison… c’est vraiment agréable ! Nous avons bien besoin de ce temps de récupération, car le rythme de la semaine de travail est très soutenu. J’ai traversé une grosse période d’épuisement il y a quelques années… En effet, j’avais le sentiment de faire tous les jours la même chose, de recommencer indéfiniment le lendemain, avec peu de soins infirmiers mettant en valeur mes compétences. Depuis quelques mois j’ai pris la décision de m’ouvrir à une clientèle plus diversifiée, mais aussi d’être très vigilante à ne pas me laisser « bouffer » par mes patients… Quand je détecte qu’un patient nécessite une aide bien au-delà de mon rôle, au lieu de rendre d’infinis services, je signale la situation aux structures compétentes qui viennent amener une aide adaptée et sur le long terme. Finalement c’est beaucoup mieux pour tout le monde.

 

Inflib :

– Quels conseils donneriez-vous à des collègues qui veulent s’installer en libéral ?

 

Amandine :

–  Si l’on a un enfant, il faut mesurer l’aide que l’on peut obtenir de tous les côtés ; de la part de son conjoint, de sa famille, de ses amis… et avoir plusieurs solutions de secours sous le coude en cas d’imprévus. Mais le plus important pour moi est de bien se connaître et d’être capable de faire un état des lieux de ce dont on a besoin financièrement pour vivre de façon agréable. Force est de constater que l’on gagne mieux sa vie en libéral qu’à l’hôpital. Au début cela fait un peu tourner la tête. Il est alors tentant de remplir l’agenda… mais il faut savoir que c’est toujours au détriment du temps passé chez soi. Une histoire de quantité, mais aussi de qualité : plus on rentre épuisé, plus il est difficile de supporter le quotidien de la maison et de s’investir dans de nouveaux projets.  Avec l’expérience, on apprend à se donner des priorités et à se dire aussi que les papiers, ça attendra !

 

Aurélie :

–  Il est important de s’écouter et de ne pas trop tirer sur la corde. Après 11 ans à vivre ce rythme, avec sept journées très longues qui s’enchainent (parfois juste une pause de 30 minutes pour manger…), j’ai choisi de prendre une remplaçante. Cela me permet de temps en temps de couper ma semaine de travail lorsque j’en ai besoin : une vraie soupape ! Il est aussi essentiel de bien choisir les personnes avec lesquelles on travaille, et de ne pas hésiter à changer de cabinet si l’ambiance n’est pas bonne. J’apprécie le groupe Wathsapp que nous avons créé : cela nous permet de communiquer, de nous soutenir ou même de nous envoyer des petites blagues durant la journée ! Bref, tout ce qui tue la solitude et le train-train est bon à prendre. Pour ma part, une fois par mois j’assure une assistance médicale sur un plateau de tournage. Cela fait tant de bien de changer d’air de temps en temps ! En ce qui concerne les enfants, il est important de leur apprendre l’autonomie. En échange des efforts que nous demandons à notre fille lors de notre semaine de travail, nous sommes complètement disponibles la semaine suivante. Demain c’est mercredi et nous allons passer la journée au château de Giverny ! Peu de parents ont cette liberté…