« Les tontons flingueurs » ou une semaine infirmière qui « ventile sévère ».

Semaine forte en émotions pour des infirmiers libéraux qui ont vu leurs compétences habituelles « dispersées aux quatre vents façons puzzle », par des professions qu'elles n'attendaient pas sur ce créneau…

 

Les pharmaciens d’officine

Tout d’abord, pour comprendre un peu ce qui se passe dans les pharmacies de ville, il faut lire cet article de Philipe Bizard dans le journal « les échos »  :

Le modèle économique traditionnel des pharmacies est condamné par l’évolution structurelle du marché pharmaceutique qui est loin d’avoir encore produit tous ses effets. Près de 80 % du chiffre d’affaires d’une pharmacie repose sur les médicaments dont le marché va se polariser sur deux segments – le marché des génériques et celui des produits innovants – qui ne pèsent actuellement que 20 % chacun, mais qui devraient demain tendre vers les 40 %.Le marché de masse des médicaments princeps peu innovants va trop fortement et rapidement se contracter pour être compensé par une hausse des ventes en produits d’automédication ou parapharmaceutiques. 

Ce qui, en terme clairs, dit que les pharmaciens sont en difficultés avec leurs activités habituelles. Du coup, ils ce sont réunis entre eux -sur twitter- et ils ont proposé des idées pour trouver d’autres sources de revenus. Cela donne un texte que l'on peut retrouver dans "profession pharmacien" ou dans "le moniteur des pharmacies" soit « 10 propositions concrètes, à mettre en place d’urgence, dans l’intérêt du patient et de la Santé Publique».

Celle qui a fait le plus réagir les infirmiers libéraux est la proposition numéro 8 ou réaparait la volonté de faire les vaccins contre la grippe mais aussi d’apprendre aux diabétiques à se piquer.

Le pharmacien doit être autorisé à apprendre au patient à s’administrer seul et correctement le traitement, par exemple l’injection d’une insuline à un patient diabétique. Ce nouvel acte doit être intégré aux études des futurs pharmaciens. Une formation obligatoire sera nécessaire pour les pharmaciens en activité souhaitant proposer ce nouveau service. Cette activité existe déjà à l’étranger. La rémunération de cette nouvelle activité doit être similaire à celle des autres professionnels.

Évidemment les syndicats infirmiers ont réagi mais personne n’a relevé que tout d’abord les pharmaciens avoueraient donc ne pas savoir se servir d’un stylo à insuline – ce qui laisse tout de même un peu perplexe – et, d’autre part , puisqu’ ils veulent être rémunérés comme les autres professionnels qui font cette éducation à la santé, quelqu’un devrait peut être leur expliquer que les consultations infirmières libérales en diabéto n’existant pas  (même si certains se battent encore pour les créer comme l’association ailba par exemple) l'acte qu'ils veulent est donc, à ce jour, gratuit.

Mais ce document présente surtout le grand avantage de formuler la vraie attente des pharmaciens : puisqu’ils ne sont plus (assez) rémunérés sur la vente de médicaments, ils semblent rêver de créer une "consultation de pharmacie" pour faire de l’éducation à la santé, poser un regard critique ou intervenir sur la prescription médicale :

Intervention, Opinion et Refus Pharmaceutique sont de nouveaux actes qui permettront de réduire la surconsommation et les effets indésirables. Ces nouveaux actes seront donc financés par une partie des économies réalisées grâce à l’amélioration de la qualité des dispensations.

Donc en clair – et pour grossir le trait jusqu’à la caricature – quand les patients auront de la fièvre ils iront chercher du paracétamol à la pharmacie et ils payeront donc, en plus de la boite, la « consultation » de celui qui leur aura conseillé de prendre du paracétamol.

Cependant, pour tout ce qui est de la contestation de la prescription médicale, au-delà du fait que, par principe, les médecins vont être contre (et avec raison au fond, comment contester une prescription sans assister à la consultation dont elle débouche ?) utiliser le drame du médiator pour bien rappeler que les médecins l’ont prescrit hors amm, ne semble pas l’idée la plus pacificatrice du siècle pour les relations interprofessionnelles…

Les pharmaciens rencontrent régulièrement des ordonnances non conformes de Cytotec (un médicament contre l’ulcère) prescrit pour un problème gynécologique. Rappelons aussi que 80% des prescriptions de Médiator étaient non conformes aux conditions de prescriptions du médicament (donc hors AMM).

A suivre et, pour filer la metaphore, "On va bien voir qui c'est Raoul"…

La Poste

C’est officiel, "La Poste" a lancé cette semaine son service « veiller sur mes parents » où pour 135 euros par mois (dont 50% déductibles des impots à ce jour) La Poste s’engage à faire passer quelqu’un tous les jours « chez vos parents ». Pour quoi faire ? Dans quel but ? Et à quoi ca sert que le postier passe tous les jours si ce n’est à vérifier que papy est toujours en vie ?… Mystère. Mais, là aussi, comme l’expliquent les auteurs Julien Brygo et Olivier Cyran dans leur livre « boulot de merde » dont nous vous parlions il y a quelques semaines, La Poste ne gagnant plus (assez) d’argent avec son modèle économique habituel en cherche de nouveaux, en particulier dans le maintien à domicile donc il ne faut s'étonner de rien. (Mais dans le livre on apprend aussi que cette nouvelle mission de La Poste est totalement contestée par les syndicats de postiers qui estiment avoir déjà du mal à faire correctement leurs missions habituelles et qu'ils se voient donc difficilement en faire de nouvelles pour lesquelles ils ne sont pas formées et qui au fond les ridiculise en les transformant en "homme à tout faire" du quartier…).

La MACSF

La Mutuelle d'Assurance du Corps de Santé Français, assureur de bon nombre d’infirmiers libéraux, après un numéro spécial de son bulletin « responsabilite » dédié au HAD et notamment de celui de la fondation «  Sante Service », a mis en ligne un article du même nom expliquant que l HAD serait le meilleur rapport qualité /prix pour prendre en charge un patient en dehors de l’hôpital…

« Le médecin traitant peut également prescrire une HAD, l’idée étant que l’hôpital se déplace au domicile du patient plutôt que l’inverse, si la pathologie et les conditions de prise en charge du patient le permettent. » (responsabilité septembre 2016)

Cet article a déclenché une belle bronca des infirmiers libéraux dans les commentaires … Que vous ne verrez plus car la MACSF a apparemment surprimé d’un coup ce message et ses commentaires.

Et sinon ?

Et sinon les infirmiers étaient invités a faire grève le 24 novembre dans 12 villes de France à l’appel de 18 associations professionnelles. Elles furent sur toutes la France , « pas plus de 1000 en tout » d’aprés le rapport sur Facebook des membres d’Unidel, un des collectifs infirmiers qui a participé à la manifestation et ce dans un silence assourdissant.

Hier avait lieu la journée des soignants dans les grandes villes de France. Selon des estimations officieuses, on peut dire sans trop se tromper que nous étions 1000 à être mobilisés. 1000… idel médecins kinés orthophonistes dentistes pédicures podologues…
Je veux bien que notre métier ne nous laisse pas tout le temps nécessaire d' aller se battre mais pendant que certains étaient bien au chaud les yeux rivés sur les chaînes d'info ou l'oreille collée au poste de radio espérant que les médias s'empareraient de ce sujet, d'autres, une poignée d'irreductibles sont allés braver la pluie, le froid pour tenter une fois de plus de sensibiliser à notre cause. (Ingrid, membre d'Unidel)

A la semaine prochaine !