Les syndicats libéraux réagissent à la lettre de Marisol Touraine

La semaine infirmière numéro 26

Tenir une chronique hebdomadaire est toujours un peu frustrant car cela oblige faire un choix, un tri, dans l’actualité de la semaine, même quand elle annonce un deuxième suicide dans la profession en quelques semaines. Cependant sur inflib.com nous prenons toujours le parti de « l’expertise » – dire peu mais dire bien — et nous avons choisi (parce que cela nous semble sujet important et national) de revenir encore une fois sur l’affaire des Indemnités Kilométriques (IK) de Savoie en demandant aux quatre syndicats libéraux leur réaction à la lettre de Marisol Tourraine dont nous vous parlions la semaine dernière.

 

Annick Touba du SNIIL : « Les infirmiers doivent coter avec tact et mesure »

Pour Annick Touba, présidente du SNIIL, évoquer la possibilité d’un financement des IK par la l’ARS n’est « pas possible » car les ARS « n’ont rien à voir avec la convention infirmière » et cette proposition c’est donc « n’importe quoi ». Par contre elle tient à rappeler que ce conflit apparaît après quelques abus « avec des chiffres extraordinaires »  qui ont dégradé les relations avec les caisses de CPAM qui, jusque-là, « n’embêtaient pas les infirmières avec cette question ». D'autre part, "Le Code civil dit que l’on doit toujours prouver les dépenses que l’on facture, donc si on a dix patients dans un même village, on ne peut pas facturer dix aller retours qu’on ne fait pas réellement car il faut facturer ce que l’on fait et rester logique, d’ailleurs sur le terrain cela se passe comme ça et il n’y a d’abus ». Pour la présidente du SNIIL, ce calcul sera donc revu lors des négociations conventionnelles et les abus des IDEL seront sanctionnés. « L’exercice en montagne présente des difficultés réelles et on peut revoir ça mais celui dans les stations balnéaires en présente aussi, et en ville aussi quand il faut se stationner c’est aussi un vrai problème ! Régler tous les cas particuliers dans le cadre d’une convention nationale est donc difficile mais c’est l’occasion de réfléchir car quoi qu’il arrive nous sommes des professionnels du domicile. Les infirmiers doivent donc coter avec tact et mesure ».

 

Élisabeth Maylie de L’ONSIL « Au final les patients ne seront plus soignés, c’est grave ! »

Pour l’ONSIL, sa présidente Élisabeth Maylié nous rappelle qu’ils ont déjà envoyé une lettre à la ministre avec copie à Monsieur Revel (président de l’UNCAM) pour lui demander de justifier ses propos. A la suite de ce courrier Monsieur Revel, lui a demandé à voir le courrier de la ministre. D’autre part, elle a interrogé le président de l’UNPS (Unions des Professionnels de Santé) « car cette modification ne peut pas s’appliquer aux seuls infirmiers mais à tous les professionnels de santé, y compris les médecins ! ».

Pour la présidente de l’ONSIL, la ministre a donc été victime d’un problème de timing car entre le moment où la lettre lui avait été envoyée (en mars) et sa réponse (en juin), une réunion avec la CPAM de Savoie a eu lieu, décidant de ne pas facturer d’indus jusqu’aux prochaines négociations conventionnelles de janvier 2017, « alors c’est quand même fort dommage ! ». La présidente de L’ONSIL pense aussi aborder ce sujet lors des négociations conventionnelles « si on doit discuter, on va discuter… Mais cette façon de faire des indus sur un mode facturation qui existe depuis toujours, est très surprenante ! L’article 13 dit que l’on doit coter au plus juste, or les syndicats ont accepté d’être payé 0,35 euros ou 0,50 euros du kilomètre parce que ce tarif comprend la tarification en étoile ! Sinon comment savoir dans quel ordre les infirmiers vont voir leurs patients, ce n’est pas à l’assurance maladie de décider des tournées ! Surtout que c’est impossible, on ne peut pas décider de faire une journée type en restant derrière un bureau ! Et sinon nous facturerons en essuie-glace ! (NDLR facturer en alternant systématiquement les patients les plus éloignés pour augmenter le nombre de kilomètres) Franchement c’est ridicule ! Peut-être que nous devrons revoir le mode de calcul en fonction de tous ces critères mais les indus ne se décident pas comme ça et s’il le faut nous sommes prêts à nous défendre, d’ailleurs nous avons déjà avisé notre juriste. Les forfaits horokilométriques compensent aussi le temps que les soignants passent dans leur voiture, on ne peut pas nier qu’ils préféreraient faire plus de soins et rester moins longtemps dans leur voiture… Sinon au final les patients ne seront plus soignés — et c’est déjà ce qui arrive avec les kinés qui se déplacent de moins en moins à domicile — c’est grave ! S’il y a eu des excès dans les cotations auparavant il faut mettre à pied les personnes concernées mais on ne peut pas sanctionner tout le monde c’est trop facile ! Aujourd’hui les infirmières doivent continuer à facturer les soins comme elles en ont l’habitude et nous verrons à la fin du mois ce qui va se passer. Nous attendons des réponses et nous déciderons ensemble des suites à donner… De toute façon le problème n’est pas que les infirmières dépensent trop, le problème c’est qu’il y a trop de chômeurs, donc un manque de cotisations, mais les infirmiers ne dépensent vraiment pas beaucoup ! »

Ghislaine Sicre de Convergence : « Il faut prendre le taureau par les cornes : si on cède sur les IK alors on cède sur tout ! »

Pour le syndicat Convergence c’est sa présidente Ghislaine Sicre qui nous a répondu : « Lors de la dernière commission paritaire nationale il a été convenu que ce dossier n’était pas réglé alors pourquoi cette lettre du ministère ? En plus cette ministre ne prend pas en compte la nomenclature puisque tous les professionnels de santé ont toujours coté en étoile depuis 1960 ! Si elle veut revenir sur le mode de calcul en Savoie, elle doit y revenir sur toute la France et sur toutes les cotations sinon nous ferons des recours. En zone de montagne le temps passé dans le déplacement n’est pas le même que pour ceux dont les patients sont dans le même immeuble, ce n’est pas pareil, la notion horokilométrique prend en compte aussi le temps nécessaire pour le déplacement… Donc pour moi c’est un abus des caisses tout à fait dans l’esprit de la loi de santé que je combats et qui a fait qu’on en arrive là… L’état prend le pouvoir sur la santé et passe directement par les CPAM sans respecter les conventions, le paritarisme des caisses est bafoué, on ne nous demande absolument plus notre avis, personnellement je n’ai jamais vu ça ! Même ce qui est refusé en commission paritaire nationale revient en force dans les départements, tout passe en force en fait ! C’est pour cela que nous allons manifester et sensibiliser l’opinion avec des blocus à la rentrée de septembre: il faut que notre réponse soit en adéquation à l’attitude des caisses donc on va y aller en force aussi ! Ce mouvement sera centré sur les infirmiers libéraux mais il sera aussi pluriprofessionnel car les sages-femmes et les orthophonistes vont rencontrer le même genre de problèmes… Aujourd’hui il faut prendre le taureau par les cornes, si on cède sur les IK alors on cède sur tout, donc on ne doit rien lâcher ! »

Philippe Tisserand de la FNI n'a pas eu le temps de nous répondre mais il a publié une lettre sur Facebook sur ce sujet.